PHOEBUS, se tenant seul au milieu de la mer, dans une barque.
Aimer, ou ne pas aimer... ? C'est là la question.
Cette question, qui me revient, sans cesse. A toute heure du jour ou de la nuit... (Il marque une pause.) Mais, qu'est-ce que l'amour ? Qu'est ce qu'aimer ? Je ne le sais pas. Suis-je amoureux ? Cela me torture l'esprit ! Mon esprit si simple. Mon esprit que je n'arrive pas à contrôler... Je n'arrive pas à ne pas penser à elle... Elle. Rencontrée, l'autre jour, lors du levé du Soleil... Me regardant de ses yeux bleus et clairs, faisaient faire à mon coeur des battements dans ma poitrine... (Il s’arrête.) Je ne dois pas penser à elle. Je veux seulement savoir ce qu'est l'amour... Et si je dois l'aimer... Est-ce agréable… d’aimer ? D'où vient l'amour ? Du Soleil ? Cet astre si clair qui différencie le jour et la nuit... Ah... (Il se lève et prend une grande inspiration.)
Ce Soleil ! Je le sens en moi, Phoebus. Je le sens, présent, au fond de moi. Puis-je seulement puiser, au fond de moi, les réponses des questions qui me torturent ? (Il regarde le Soleil.) Soleil ! Je m'adresse à toi ! Toi, le seul, l'unique, l'irremplaçable astre qui illumine nos vies de ta lumière ! J'ai le coeur lourd. Le coeur lourd... de ce que je pense être l'amour. Je ne sais pas ce que cela représente. Eclaire moi, réponds moi, aide moi... (Il accélère le ton.) D’où me vient ce tambourinement perpétuel dans ma poitrine, d’un tempo irrégulier et d’une puissance inégale ? Cette boule présente, au milieu de cet orchestre infernal qui émet un son pourtant si agréable… (Il s’arrête brutalement et ferme les yeux un instant en soupirant.)
Ce que je suis absurde ! Le Soleil ne partage que sa lumière. Il garde ses pensées pour lui. Lui, qui a vu sur le monde depuis la nuit des temps ! Je me dois, moi, Phoebus, de répondre seul à mes questions… ou tout simplement, ne puis-je pas aimer à ma manière ? Aimer comme je le veux, comme je le conçois. Peut-être que le monde est comme ça. Oui. Voilà. C’est ça. Il faut trouver nous même notre façon d’aimer. La question n’est pas «aimer ou ne pas aimer ?»… La question est «comment faut-il aimer ?». Et la seule réponse est « comme je le conçois ». (Il sourit, montre de la fierté. Il se rassoie.) J’espère ne pas être fou. Comment ai-je pu en arriver là ? Je ne sais pas. Je suis seul. Seul… Pourquoi n’est-elle pas là ? Elle, la source de tous mes conflits intérieurs. Elle, la cause de toutes ces questions… L’a-t-elle fait exprès, d’être aussi belle ? D’être aussi rayonnante ? Pourquoi me laisse t-elle seul ? M’a-t-elle vu ? M’aime-t-elle ? Ou alors, qu’est-ce qu’est l’amour pour elle ? Savoir tout cela ne m’aiderait en rien. Je reste seul. Et pourtant si accompagné dans ma solitude, par ces questions… (Il scrute la mer.) Et toi, Poséidon ? Toi, dieu des mers et des océans, as-tu besoin d’aimer ? Sais-tu seulement ce que c’est ? As-tu, toi aussi, ta propre conception de l’amour ? Te poses-tu des questions ? Peut-être que tu n’as que des réponses, et que c’est de ça que ton statut de dieu te vient. Je serai tenté de te rejoindre… Essayer de comprendre comment les dieux perçoivent eux-mêmes l’amour, et ce qu’ils pensent de nos manières de raisonner… Peux-tu me le dire, Poséidon ? Inonde moi de ta sagesse, de ton pouvoir, de tes pensées. Aide moi à ne plus penser à celle que j’aime. A ne plus penser, tout court.
(Les lumières s’éteignent, la scène est plongée dans le noir. Un bruit de mer se fait entendre, Phoebus se noie. Les rideaux se ferment.)
Sujet d'invention, EAF 2005 de français. By Teishi. (VDM.)